lundi 23 décembre 2013

Le Noël d'Hercule Poirot


A partir des années 1950, les lecteurs britanniques friands de romans policiers avaient droit, en plus de leurs autres cadeaux déposés au pied du sapin, à la publication d’un roman ou d’une nouvelle de la Reine du crime, Agatha Christie.
Cet événement littéraire annuel qui donna naissance au slogan publicitaire de son éditeur : « A Christie for Christmas » était pour un grand nombre d’anglais aussi attendu que le père Noël par leurs enfants. Si ces romans et nouvelles étaient publiés pour les fêtes de fin d’année, l’intrigue, elle, ne se déroulait pas nécessairement à cette période.
En ce 23 décembre 2013, pourquoi ne pas renouer, en quelque sorte, avec cette tradition et se plonger dans un des romans d’Agatha Christie mettant en scène son plus célèbre détective, Hercule Poirot au cours d’une enquête ayant pour décor les fêtes de Noël: Le Noël d’Hercule Poirot.


Publié pour la première fois en Angleterre en 1938, Le Noël d’Hercule Poirot prend une saveur toute particulière. Fait assez rare chez la romancière, le crime perpétré dans ce roman est un meurtre sanglant, très sanglant. Dame Agatha sur l’ensemble de sa production, nous a davantage habitué à des procédés plutôt « propre », à des meurtres presque élégants. Tout du moins,  l’emploi très fréquent du poison dans ses intrigues conduit à des homicides « sans tache ». Ici, la romancière annonce la couleur (rouge sang) dès la dédicace de son livre. Celle-ci est adressée à son beau-frère James Watts qui lui avait réclamé « un de ces bons vieux meurtres bien saignant ». Pour le coup, le voilà servi…
A cette ambiance chargée d’hémoglobine, vient s’ajouter ce qui fait de ce roman un vrai beau cadeau de Noël : Agatha Christie nous offre un meurtre en chambre close dont la résolution finale ne décevra pas le lecteur à cause d’un procédé tiré par les cheveux. Comme à son habitude, la Reine du crime mène le récit d’une main de maître entremêlant autant les fils de son histoire que l’esprit du lecteur. Même si en de rares instants la narration paraît un brin décousue, Le Noël d’Hercule Poirot fait partie des histoires les plus alambiquées imaginées par la romancière pour notre plus grand plaisir. Se servant de Noël comme d’un prétexte à une grande réunion de famille, Agatha Christie organise de manière très classique, mais au combien efficace, sa mise en scène meurtrière. 

Après la présentation des personnages et la description du décor, tout le talent de la romancière réside dans son art de créer des atmosphères lourdement chargées juste en utilisant la psychologie des protagonistes. Antagonisme exacerbé, retrouvailles non désirées, patriarche retors et particulièrement sadique sont les ingrédients explosifs de cette recette de Noël. Quand pour lier la sauce, l’écrivain utilise le ressort testamentaire et fais traîner quelques diamants bruts…, il ne reste plus au lecteur qu'à s’installer au coin du feu et se délecter de cette réunion familiale qui vire au drame sanglant.

Un conseil pour finir:
Si vous êtes un vieux et riche monsieur quelque peu cynique, que pour ce Noël 2013, vous avez décidé de réunir autour de vous tous les membres de votre famille, ce qui ne s’est pas fait depuis 20 ans, qu’un de vos fils et sa femme n’en peuvent plus de l’ascendant que vous exercez sur eux, qu’un autre vous maudit pour la façon dont vous avez traité sa mère, qu’un troisième trouve la rente que vous lui octroyez bien insuffisante, que vous avez méprisé le dernier d’entre eux au point qu’il s’exile depuis des années, et que vous avez ajouté à la liste des invités une jeune fille au sang chaud et le fils inconnu d’un ancien ami, lisez Dame Agatha, annulez et passez le réveillon seul.






mercredi 18 décembre 2013

Cadeau de Noël, des crimes au pied du sapin

Un cadeau très "Baker Street"
Pour Noël, aux amateurs d'énigmes, d'enquêtes policières et du Londres victorien, je ne leur ferai pas cadeau d'un deerstaalker, d'une pipe calabash et d'une loupe pour qu'ils se déguisent en une vague caricature ridicule de Sherlock Holmes (et je vous déconseille également de le faire). Ce serait à la fois se moquer d'eux et continuer à véhiculer une image totalement fausse de l'une des plus grandes éminences grises de la littérature policière.
Non, ce que je leur offrirai, ce n'est rien moins que le 221b Baker Street. Oui, oui, vous avez bien lu: le 221b Baker Street, rien que ça !
Vous pouvez m'appeler le Père Noël si vous le désirez mais en fait, bien loin de déplacer des montagnes, ou plutôt une rue de Londres, il me suffirait de placer au pied de leur sapin une boîte, d'environ 50 cm de long, 30 de large et 5 de haut.
Au matin du 25 décembre, dans cette boîte, une fois le joli papier cadeau et le ruban retirés, l'heureux destinataire découvrirai en soulevant le couvercle:
Le contenu de la boîte. ©F.Fromentin

Mais c'est quoi donc ? L'autre dans son papier il parlait d'offrir le 221b Baker Street et l'on se retrouve avec des morceaux de papiers !?
Peut-être, je dis bien peut-être, ai-je été un peu emphatique en prétendant offrir le 221b Baker Street. Il aurait été plus précis de dire « l'esprit du 221b Baker Street ». Et là, plutôt qu'une chose immatérielle, quelle joie de découvrir un boîte joliment illustrée avec, à l'intérieur, un matériel de belle facture.
Mais plutôt que de digresser sur l'art et la manière de présenter les choses, venons-en au sujet même de cet article: le jeu Sherlock Holmes Détective Conseil. Pour certain, ce jeu n'est pas une nouveauté mais bel et bien le souvenir d'un excellent jeu paru, sous le même nom, en 1985 chez l'éditeur Descartes.
Le livret de règles: quelques pages suffisent.
Près de 30 ans plus tard, Ystari Games a décidé de rééditer ce titre alors quasi introuvable. Seulement, plutôt que de simplement reprendre le contenu de la précédente édition et de remettre le tout sous un nouveau « packaging », Cyril Damaegd (l'éditeur du jeu) s'est lancé dans un travail de réécriture des enquêtes, de révision du matériel et d'illustrations juste magnifiques.
Le résultat est au-delà de toutes les attentes que peuvent avoir les amateurs d'énigmes, un tant soit peu joueur. Sherlock Holmes Détective Conseil est l'occasion unique d'endosser le costume du grand détective et résoudre des enquêtes à travers le Londres Victorien.
Pour cela, les joueurs ont à leur disposition un livre de règles, qui ne leur fera pas de mal en leur tombant sur le pied, quelques pages et minutes suffisent à les assimiler, une carte de Londres, un annuaire, des exemplaires du Times et un livret par enquête.




Comment ça fonctionne ?
Après avoir pris connaissance des éléments de l'enquête, décrits dans l'introduction de deux pages du livret: circonstance du crime, personnages principaux, description des lieux, les détectives/joueurs sont entièrement livrés à eux-mêmes pour mener l'enquête. Ils sont alors libres d'aller interroger un suspect ou un témoin, d'aller visiter un lieu, de questionner telle ou telle personne, d'aller chez le documentaliste ou à la morgue...
L'annuaire du Londres victorien
Pour se faire, il suffit de se reporter à l'annuaire de Londres et trouver le code géographique du lieu. Celui-ci permet ensuite de découvrir le texte s'y rapportant dans le livret. C'est un peu comme dans les livres où vous êtes le héros, à la différence qu'ici, à la fin du paragraphe aucune indication, ni choix ne sont proposés, vous êtes de nouveau libre d'explorer n'importe quelle piste au vu des informations glanées au fil du texte.
La carte de Londres, où sont reportés les codes géographiques de chacun des lieux, permet de se rendre compte des distances, des temps de parcours, de la localisation des bâtiments ou des personnes et ainsi vérifier les alibis ou échafauder des théories. Les exemplaires du Times sont également là pour récolter des informations. A chaque enquête, correspond un exemplaire mais il est aussi possible de consulter les exemplaires antérieurs. Ce qui fait que lors de la première enquête, un seul exemplaire du Times est à votre disposition mais lors de la huitième, par exemple, vous pouvez consulter huit exemplaires dans lesquels peuvent se cacher des indices utiles à la résolution de l'affaire.
Saurez-vous trouver les indices contenus dans les pages du journal ?



Je sais ! Le tueur est...
Sherlock Holmes Détective Conseil peut se jouer de différentes façons. Si les parties à plusieurs sont certainement les plus amusantes, puisqu'elles permettent d'échanger, de s'affronter et peuvent introduire, suivant l'engagement et l'humeur des participants, une véritable notion de roleplay et donc d'immersion dans l'atmosphère londonienne de l'ère victorienne, les enquêtes peuvent également se mener seul ce qui évite toute frustration au détective amateur dont l'entourage ne partage ni le goût du jeu, ni des enquêtes.
A plusieurs, les joueurs peuvent soit se lancer dans une partie collaborative, où ils progressent, réfléchissent et tentent de résoudre l'enquête ensemble en partageant leurs déductions et en se concertant pour savoir quelles pistes il vont suivre, soit s'affronter et tenter de découvrir la clé de l'énigme avant le(s) adversaire(s). D'une manière ou d'une autre, les honneurs suprêmes reviendront à ceux qui seront parvenu à résoudre l'affaire en ayant suivi moins de pistes que l'illustre Sherlock Holmes.

Quelle piste suivre à travers Londres ?
En effet, le but du jeu est, une fois que les participants estiment avoir démêlé les fils de l'intrigue, de répondre aux deux séries de questions qui se trouvent à la fin du livret (généralement: nom de l'assassin, motif du crime...). A chaque bonne réponse un certain nombre de points est alloué aux participants. Mais comme tout bon détective est un détective qui, certes résout les énigmes, mais les résout vite, chaque joueur compte également les nombre de pistes qu'il a suivi (c'est-à-dire le nombre de paragraphes lus) pour arriver à la solution et le compare au nombre de pistes qu'il a fallu à Sherlock. Pour chaque piste en plus ou en moins, un certain nombre de points sont à soustraire ou à additionner au score, si celui-ci est supérieur à 100 points (le score de Sherlock Holmes pour toutes les enquêtes) le joueur a dominé le Maître (ce qui arrive, il faut le dire, assez rarement !). Même s'il est difficile de faire mieux que le résidant du 221b Baker Street, battre ses adversaires du jour (en mode chacun pour soi) reste toujours un grand moment de fierté.




En quête d'enquêtes
10 livrets, 10 enquête, 10 raisons de se creuser la tête.

Une partie peut se jouer, potentiellement, à un nombre infini de participants cependant, à plus de 8 joueurs les parties deviennent laborieuses et pourraient s'étendre bien au-delà des 120 minutes que peut exiger une enquête. Oui, pour le coup, nous ne sommes pas en présence d'un jeu dit « d'apéritif ».
La boîte de base contient 10 enquêtes, qui à elles seules promettent déjà entre 20 et 30 heures de jeu au bas mot, auxquelles viennent régulièrement s'ajouter des extensions proposées par l'éditeur du jeu mais aussi par une communauté de joueurs plus qu'active.
(Dans un prochain article, je reviendrai sur les différentes ressources proposées pour le jeu).

Quand je parlai de cadeau idéal, je crois que je ne me suis pas trompé, non ? Pour moi, Sherlock Holmes Détective Conseil est le meilleur jeu que l'on pouvait imaginer, dont je pouvais rêver; d'ailleurs je n'ai pas su attendre Noël pour l'acquérir, l'an dernier. Seul, entre amis ou en famille cette boîte à miracle réalise le souhait de tout grand amateur de roman policier: devenir soi-même le détective qui mène l'enquête. Totalement inclassable, novateur et addictif, il n'est pas étonnant que Sherlock Holmes Détective Conseil ait reçu, en février 2012, le Prix Spécial du Jury au Festival International du Jeu de Cannes.

Prix: 38 euros (chez Philibert.com par exemple)



dimanche 15 décembre 2013

Disparition de Agatha Christie (11)


Vue aérienne de l'Hydropathic Hotel d'Harrogate.



Mercredi 15 décembre 1926 – On a retrouvé Agatha Christie !

Dès dimanche 12 décembre au soir, l’inspecteur chef Kenward a été averti par les policiers d’Harrogate que deux musiciens de l’orchestre jazz qui anime les soirées de l’Hydropathic Hotel d’Harrogate se sont présentés au poste de police et déclarent qu’une des clientes de l’hôtel est Agatha Christie. Ils en sont persuadés, cette cliente est bien la même personne que celle dont la presse diffuse des portraits depuis plusieurs jours.
Kenward attend le lendemain matin pour appeler le colonel Christie et l’informer de la nouvelle. Il est convenu entre les deux hommes de se rendre le plus tôt possible à cet hôtel pour vérifier les dires des deux musiciens.


Le mardi 14 décembre à 19 heures 30, le colonel Christie reconnaît formellement que la femme qui est en train de lire le journal, où apparaît d’ailleurs son portrait, dans un des salons de l’Hydropathic Hotel, est bien son épouse, Agatha.
Cette dernière, pour sa part, déclare ne pas connaître l’homme qui se présente à elle comme son mari… Archibald est sous le choc, et encore plus quand il découvre que l’occupante de la chambre numéro 5, Agatha, s’est inscrite à son arrivée sur le registre de l’hôtel sous le nom de sa maîtresse : Neele, Theresa Neele.
Quoi qu’il en soit, le soir même, Archibald et Agatha dînent en tête à tête dans la salle à manger de l’hôtel, discrètement surveillés par des policiers dépêchés de Londres.  Ce qu’ils se sont dit au cours de ce dîner ? Personne ne l’a entendu, même si la clientèle a plus fait attention au couple qu’à ce qui se trouvait dans son assiette. Cependant, il semble probable que le colonel Christie est intimé l’ordre à Agatha de cesser sa mascarade.

Ce mercredi 15 décembre au matin, tous les journaux annoncent déjà la nouvelle : « La romancière Agatha Christie a été retrouvée ! »
A Harrogate, dans le Yorkshire, Agatha, accompagnée de sa sœur Madge qui est venue la rejoindre et la soutenir, quitte l’Hydropathic Hotel. Elle sort, quelques livres sous le bras et un chapeau cloche vissé sur la tête, sous les flashs et un torrent de questions posés par les journalistes qui se sont rués en masse aux grilles de l’hôtel.

Agatha ne prononce aucune parole et se contente de s’engouffrer dans l’automobile de son beau-frère, James Watts (le mari de Madge), qui la conduit alors immédiatement dans leur propriété d’Abney Hall. La presse, c’est Archibald qui l’affronte. Plein de dignité, il répond aux questions qui fusent de toutes parts d’une seule et même façon : sa femme trop surmenée a été victime d’une crise d’amnésie.
Il semblerait cependant que les journalistes ne sont pas satisfaits de cette réponse. Archibald, lui, ne dira rien de plus.



vendredi 13 décembre 2013

Exposition 100 ans de la Police Judiciaire: bientôt la fin.

Finalement, l'exposition se terminera ce dimanche 15 décembre 2013.

Il avait été annoncé, sur le site de l'exposition « 1913/2013: 100 ans de la Police Judiciaire de Paris », que cette dernière, forte de son succès, devait se poursuivre jusqu'au 5 janvier 2014. Un communiqué diffusé aujourd'hui nous apprend, malheureusement, que ce ne sera pas le cas.

La grande exposition, présentée au Champs de Mars et célébrant le centenaire de la PJ, devait initialement se terminer le dimanche 8 décembre 2013.
Le 9 décembre, rebondissement de l'enquête, les organisateurs indiquaient que, face au succès remporté par la manifestation, l'exposition allait jouer les prolongations jusqu'au 5 janvier 2014. Nouveau revirement de situation: un communiqué de presse en date du 12 décembre 2013 vient refroidir les ardeurs en annonçant que, finalement, l'exposition se terminera le 15 décembre 2013. Ce communiqué fait état de « délais trop courts pour assurer la reconduite d'une importante logistique et d'une présence publicitaire essentielle » (ce n'est pas faute d'en avoir parler sur ce blog !) ne permettant pas « de prolonger davantage cette exposition à Paris ». Dommage...

La bonne nouvelle, c'est qu'à présent, cette exposition, qui va subir un petit lifting et faire l'objet d'une nouvelle programmation avec une scénographie originale, prend la route et sera bientôt présentée en régions.
Pendant son installation à Paris, « 1913/2013: 100 ans de Police Judiciaire à Paris » aura tout de même attiré plus de 40 000 visiteurs, dont 5000 scolaires, et offert 70 conférences.
Et après, on nous dit que la police n'est pas aimée en France !

Retrouvez toutes les informations pratiques sur l'exposition, le reportage photo et le compte-rendu de la visite.


jeudi 12 décembre 2013

Disparition de Agatha Christie (10)

La Une du Daily News avec les différents visages d'A.Christie.

Dimanche 12 décembre 1926 – Une Agatha peut en cacher une autre.
Le recours aux médiums ne permettant pas, semble-t'il, de mettre la main sur Agatha Christie, dont on est sans nouvelle maintenant depuis près de 10 jours, les bonnes vieilles méthodes d'investigation sont de nouveau employées.
En ce dimanche 12 décembre, une immense battue est organisée par les forces de police à Newlands Corner aux abords de l'étang de Silent Pool. Curieux piqués par le côté sensationnel de l'affaire, admirateurs de la romancière, amis, connaissances, habitants de la région, plus de 15 000 personnes participent à cette grande battue. Parmi elles, on peut noter la présence de la romancière Dorothy L. Sayers.
Les quatre « explications » dont cette dernière a fait part au Daily News, hier, « perte de mémoire, affabulation, suicide ou disparition volontaire » sont d'ailleurs largement reprises dans la presse de ce jour. Les journalistes s'y donnent à coeur joie pour échafauder toutes les hypothèses possibles et pour faire courir de nombreux bruits.
Certains articles indiquent qu'Agatha Christie a été vue à Londres se camouflant sous un déguisement d'homme, d'autres émettent la possibilité d'une amnésie soudaine.
Quoi qu'il en soit, à présent, la piste de la disparition volontaire emporte de nombreux suffrages dans la presse. Cette idée a l'avantage pour les médias de rendre l'affaire encore plus extraordinaire. Les journalistes peuvent laisser libre cours à leur imagination en ce qui concerne la personnalité d'Agatha Christie. La Une du Daily News en est un très bon exemple puisque la romancière y est présentée avec deux apparences différentes sous lesquelles on pourrait la croiser dans la rue; le roman policier (réel) évolue de plus en plus vers le roman d'espionnage.



mercredi 11 décembre 2013

Disparition de Agatha Christie (9)

Arthur Conan Doyle, à la recherche d'Agatha Christie.

Samedi 11 décembre 1926 – Tout le monde recherche Agatha
Depuis hier, avec la parution de l'interview du colonel Christie dans les pages du Daily Mail, les rédactions de presque tous les organes de presse redoublent d'idées pour produire l'article sensationnel qui attirera le plus de lecteurs.
Et, en ce samedi 11 décembre 1926, pour frapper les esprits, ce sont bel et bien aux esprits que tout le monde semble vouloir s'en remettre pour retrouver la trace de la romancière. Particulièrement en vogue en ce début du siècle, les médiums et leurs « visions » envahissent les articles du jour. Plusieurs journaux font appel à eux pour éclaircir le mystère. Les auteurs de romans à énigme sont également mis à contribution.
L'un des plus célèbres d'entre eux, le père de Sherlock Holmes, Arthur Conan Doyle se penche sur l'affaire. C'est du pain béni pour les journalistes puisqu'Arthur Conan Doyle, non seulement, endosse, pour l'occasion, le costume de limier mais surtout, fervent défenseur du spiritualisme, confie un gant d'Agatha Christie à un médium. Ce dernier déclare, alors, « voir » que la romancière est vivante.
Dans une interview donnée au Daily News ce jour, la romancière Dorothy L. Sayers, amie et concurrente d'Agatha, affirme que, pour elle, un « problème de ce type suggère quatre explications possibles: perte de mémoire, affabulation, suicide ou disparition volontaire ». Ce qui, reconnaissons-le, ne fait pas beaucoup avancer l'enquête, mais ouvre le champ des possibles...
Edgard Wallace, le célèbre écrivain de romans policiers, est, quant à lui, plus précis; il écarte de façon catégorique la possibilité d'une perte de mémoire et il a la conviction profonde qu'Agatha Christie a « voulu faire une sale blague à quelque personne que son geste a forcément mis dans l'embarras ». Son mari, par exemple ?



mardi 10 décembre 2013

Disparition de Agatha Christie (8)

Vendredi 10 décembre 1926 - Un suspect très suspect
Pour son édition du jour, le Daily Mail est parvenu à obtenir une interview du colonel Archibald Christie.
Ce dernier ne doit pas ignorer qu'il est fortement suspecté d'homicide par la police. Dans ce long entretien qu'il accorde au journaliste, le mari de la disparue insiste sur sa certitude que sa femme a elle même mis en scène sa disparition.
En lisant l'article, l'inspecteur chef Kenward doit être estomaqué. Pour lui, aucun doute possible, le colonel Christie a tué sa femme; pour preuve, le fameux message laissé par Agatha Christie à son mari le soir de sa disparition. Kenward sait désormais qu'Archibald a, non seulement, dissimulé le contenu de celui-ci mais surtout, qu'il l'a détruit.



lundi 9 décembre 2013

Disparition de Agatha Christie (7)

"Disparue"Affiche diffusée en Angleterre

Jeudi 9 décembre 1926 - Une affaire nationale
Si l'enquête ne semble pas beaucoup progresser, l'opinion publique se prend de passion pour cette affaire extraordinaire que les journaux n'hésitent pas à porter sur le devant de la scène médiatique.

L'histoire de l'écrivain de roman policier victime d'une disparition est au coeur de toutes les conversations en Angleterre. Si le dernier livre de la romancière, le Meurtre de Roger Ackroyd, avait contribué à lui assurer une certaine notoriété dans le milieu de la littérature policière, on peut dire qu'à présent le nom d'Agatha Christie est presque sur toutes les lèvres.
Et depuis ce matin, son visage est également dans toute les têtes suite à la grande campagne d'affichage qui permet de voir le portrait d'Agatha Christie, et de lire une description précise de sa personne, sur de nombreux murs à travers tout le pays.

La disparition de madame Christie devient une affaire nationale et toute la population est invitée à se lancer à sa recherche.




dimanche 8 décembre 2013

Disparition de Agatha Christie (6)

Archibald Christie en 1915.

Mercredi 8 décembre 1926 - Le meurtre d'Agatha ?

Nous avions laissé, hier soir, l'inspecteur chef Kenward en pleine réflexion. L'hypothèse du suicide devenue improbable, il s'interroge sérieusement sur le rôle qu'a pu jouer le colonel Archibald Christie dans cette affaire.

Tout au long de la journée, le policier enquête sur le couple Christie et après avoir interrogé la cuisinière de Styles, une nouvelle théorie fait jour dans son esprit.
Au cours de son entretien avec la domestique, Kenward apprend que les Christie se disputaient beaucoup ces derniers temps. Les langues se déliant, il réussit à découvrir que ces scènes de ménage avait pour sujet la liaison qu'entretient Archibald Christie avec une secrétaire de 10 ans sa cadette, Nancy Neele, et que la vérité avait éclaté quelques mois auparavant:
Tandis que le couple avait prévu de partir à Alassio, en Italie, au mois d'aout 1926, le colonel Christie a annoncé à Agatha qu'il ne désirait plus partir. Quelques heures plus tard, il lui avoue entretenir une liaison avec Nancy Neele, une dactylographe travaillant dans une compagnie d'assurance. C'est au cours d'un week-end organisé chez eux, l'année précédente, qu'Archibald et Agatha ont rencontré pour la première fois la jeune femme. Archibald a revu, seul, la jolie brune plusieurs fois par la suite à Londres. Les voilà désormais amants et le colonel aimerait divorcer...

Pour Kenward, il n'y a, à présent, plus beaucoup de doutes: Archibald Christie a certainement quelque chose à voir dans la disparition de sa femme. Le soupçon d'homicide ne fait pas que s'installer dans l'esprit de l'inspecteur chef, il se renforce. Le colonel Christie n'a t-il pas passé la nuit du vendredi 3 au samedi 4 décembre à proximité de l'endroit où l'on a retrouvé la voiture d'Agatha, et qui plus est en compagnie de sa maitresse ? Après avoir donné rendez-vous à sa femme au bord de l'étang, il aurait très bien pu maquiller son meurtre en disparition. Qu'est-ce qui prouve, après tout, que le message reçu par le frère du colonel le samedi matin provient bien d'Agatha, et si Archibald en était l'auteur...?




samedi 7 décembre 2013

Disparition de Agatha Christie (5)

Tout au long de la journée, des battues sont organisées autour de Newlands Corner.



Mardi 7 décembre 1926 - L'enquête progresse...lentement
Cela fait à présent 4 jours qu'Agatha Christie a disparu. Malgré les messages signés de sa main détenus par sa secrétaire, Charlotte Fisher, et par son mari, auxquels s'ajoute celui reçu samedi 4 décembre au matin par le frère de ce dernier, l'inspecteur chef Kenward tient à ne négliger aucune possibilité.
Pour l'instant, la piste de la station thermale dans le Yorkshire n'aboutit à rien, les recherches menées très activement dans la région, depuis le lever du jour, non plus d'ailleurs. Suivant sa première idée, l'inspecteur chef a ordonné, plus tôt dans la journée, que l'on drague l'étang de Newlands Corner au bord duquel a été découverte la voiture d'Agatha.
A la fin de la journée, après de très longues heures de travail, une chose est certaine: le corps d'Agatha Christie ne se trouve pas dans l'étang. Avec cette annonce, la conviction de l'inspecteur chef concernant un suicide ne redevient plus qu'une présomption, bien faible.
L'enquête piétine et bien peu d'éléments permettent d'échafauder des théories. Cependant, en ce début de soirée, Kenward, lui, repasse tout le fil de l'histoire dans sa tête et commence à élaborer certaines hypothèses...
Pour la presse, ce mardi ne fait que suivre la journée précédente. Les journalistes n'ont pas grand chose à se mettre sous la dent à propos de cette affaire, pourtant si prometteuse en terme de publication. Dans l'espoir de décrocher LE scoop, qui permettrait de voir s'envoler les tirages, le Daily News a promis, dans son édition du matin, cent livres sterling à tout individu capable de fournir la moindre information déterminante sur la disparition de la romancière. 



jeudi 5 décembre 2013

Disparition de Agatha Christie (4)

Le Daily Mirror consacre sa Une à la disparition d'Agatha.

Dimanche 5 décembre 1926 - L'affaire devient sujet national
« Demandez l'journal ! L'écrivain de roman policier, Agatha Christie a disparu ! Demandez l'journal ! »
Ce matin, la mystérieuse disparition d'Agatha Christie fait les gros titres des journaux.
L'Angleterre toute entière commence à se passionner pour cette affaire que les journalistes n'hésitent pas à relayer dans des articles à sensation.
La grande majorité des Une sont entièrement consacrées à la « romancière disparue » et dans les rédactions, la chasse au scoop est ouverte.
Le News of The World et le Sunday Times ont déjà dépêché des reporters qui, depuis l'aube, font le pied de grue devant les grilles de Styles, la villa des Christie, et traquent le moindre renseignement. A l'intérieur de la maison, Rosalind, qui se rend compte de l'effervescence qui règne au-dehors, se pose des questions: « Que font tous ces gens devant la maison et, elle est où maman ? ».
Pour éluder toutes les interrogations de la petite fille à propos de sa mère, on lui annonce que cette dernière a été obligé de se rendre précipitamment à Ashfield (la résidence d'enfance d'Agatha, située à Torquay, dont elle a hérité suite au décès de sa mère).



mercredi 4 décembre 2013

Disparition Agatha Christie (3)

 
Agatha et Archibald Christie en 1919.



Samedi 4 décembre 1926 - Fugue ou suicide ?
Après la visite du policier annonçant la découverte de l'automobile d'Agatha Christie au bord de l'étang, sa secrétaire, Charlotte Fisher, décide d'avertir le colonel Archibald Christie de la disparition de sa femme.
Ce dernier, a passé la soirée et la nuit chez des amis, les James, en compagnie de sa maitresse, Nancy Neele, près de Godalming à environ 5 miles du lieu où a été découverte la Morris Cowley.

Archibald Christie dès son arrivée à Styles se montre très inquiet, d'autant plus que les heures passent et qu'il demeure toujours sans nouvelle de sa femme. Cependant, il déclare, sur le ton de la confidence, au policier demeuré en faction à Styles: « ma femme m'a souvent dit qu'elle pourrait disparaître à sa guise ».
Cherche t-il à se rassurer face à l'éventualité d'une issue tragique de cette disparition ? Tente t-il de mettre la police sur la piste d'une possible fugue ? Difficile à déterminer, d'autant plus qu'il conclut son propos en précisant que Agatha est un as du déguisement.
De son côté, l'inspecteur chef Kenward en charge de l'enquête semble davantage pencher pour l'hypothèse d'un suicide. Une hypothèse qui devient presque conviction quand il apprend de Charlotte Fisher qu'Agatha, très affectée par le décès de sa mère survenu le 5 avril 1926, était assez déprimée ces derniers temps. Il faudrait peut-être bien faire draguer l'étang...
La journée avance et en ce début d'après-midi du samedi 4 décembre 1926, si l'on est toujours sans information quant au sort de la romancière, la presse elle n'en manque pas, d'informations. Elle commence à faire ses choux gras de cette affaire presque inespérée: rendez-vous compte, une écrivain spécialisée dans le roman à énigme qui disparaît elle-même mystérieusement ? C'est un scoop !
Une poignée d'heures a passé depuis que l'on a retrouvé la voiture et déjà paraissent les premiers articles. Certains journalistes sont parvenus à interviewer George Best, le jeune gitan, sur sa découverte matinale, d'autres relatent les déclarations de personnes affirmant avoir vu une jeune femme hagarde déambuler sur une route du Surrey.
A Styles, l'affaire prend une nouvelle tournure. Le frère d'Archibald, Campbell Christie, vient d'appeler. Il annonce avoir reçu, ce matin même par la poste, un message de la main d'Agatha où elle lui indique laconiquement qu'elle part en week-end dans une station thermale du Yorkshire. Pour l'inspecteur chef, ce coup de fil pourrait bien être le petit bout de ficelle permettant de dévider toute la pelote. En tous cas, il ne s'avère pas sans conséquence puisque apprenant l'existence de ce message, Archibald et Charlotte confesse à Kenward être, chacun, en possession d'une enveloppe que Agatha leur aurait laissé avant de partir...




Disparition Agatha Christie (2)

Découverte par la police de l'automobile appartenant à Agatha Christie.

Samedi 4 décembre 1926 - Agatha Christie a disparu !
L'aube n'est pas encore levée lorsqu'un policier frappe à la porte de la maison des Christie, ce samedi 4 décembre 1926 à 6 heures. Il annonce à la secrétaire et à la cuisinière d'Agatha Christie, seules présentes dans la demeure, qu'une voiture de marque Morris Cowley a été retrouvée abandonnée au bord d'un étang situé à Newlands Corner, dans la Surrey à environ 20 miles de Sunningdale où est située Styles.
La découverte de la voiture a été faite par un jeune gitan de 15 ans, Georges Best, quelques heures auparavant. La police immédiatement avertie s'est alors rendue sur place. L'inspection de l'intérieur du véhicule stationné au bord de l'étang, surnommé Silent Pool, a révélé la présence d'un manteau de fourrure, d'une valise contenant des effets personnels et d'un sac dans lequel se trouve des papiers d'identité au nom de Christie – Agatha.
Aucune trace de la propriétaire de l'automobile n'a été relevée.




mardi 3 décembre 2013

Disparition Agatha Christie (1)

Agatha Christie et sa fille Rosalind en 1926.


Vendredi 3 décembre 1926, 21h45 - Agatha Christie part en promenade 
Agatha Christie, après avoir embrassé sa fille, Rosalind, endormie dans son lit, quitte Styles, sa maison du Berkshire. Juste avant de franchir la porte d'entrée, elle déclare à sa cuisinière qu'elle part faire un tour en voiture. Elle prend place à bord de sa Morris Cowley, démarre puis sort de la propriété.
Une Morris Cowley.





Disparition de Agatha Christie

Agatha Christie.
                                        

Il y a exactement 87 ans, le vendredi 3 décembre 1926, débutait l'épisode le plus trouble de la vie d'Agatha Christie: sa disparition inexpliquée durant 11 jours qui défraya la chronique.
A partir de ce mardi 3 décembre 2013, je vous propose de suivre (et peut-être découvrir) cette affaire, jour après jour, comme si nous étions en 1926 et que cette histoire se déroulait là, maintenant, sous nos yeux, en temps réel.
Detection Blog se fait donc, pour l'occasion, machine à remonter le temps et, à la lumière des faits et hypothèses apportés au fil des décennies, vous entraine au coeur de cette aventure pour le moins mystérieuse qui aurait pu être l'une des fictions de la Reine du crime...